lundi 23 septembre 2013

COURS ET ATELIERS : "HÉRALDIQUE"


L’héraldique est la science du blason, c'est-à-dire l'étude des armoiries (ou armes). C'est aussi un champ d'expression artistique, un élément du droit médiéval et du droit d’Ancien Régime. Actuellement, elle constitue une science auxiliaire de l'histoire au même titre que la sigillographie, la vexillologie, la phaléristique, la diplomatique…

L'héraldique s'est développée au Moyen Âge dans toute l'Europe comme un système cohérent d'identification non seulement des personnes, mais aussi en partie des lignées (le blason pouvant être transmis par héritage en traduisant le degré de parenté) et des collectivités humaines, ce qui en fait un système emblématique unique en un temps où la reconnaissance et l'identification passaient rarement par l'écrit.

Apparue au XIIe siècle au sein de la chevalerie, elle s'est rapidement diffusée dans l'ensemble de la société occidentale : clercs, nobles, bourgeois, paysans, femmes, communautés… Ensuite, on s'en est également servi pour représenter des corporations de métiers, des villes et plus rarement des régions, des pays...

Création de l’héraldique

Si le blason, comme savoir, voire comme science peut se tracer depuis le Moyen Âge, c'est sa codification par les hérauts qui a amené les érudits du XVIIe siècle à nommer cette discipline « science héraldique », c'est-à-dire « science du héraut ».

Il ne faut néanmoins pas se leurrer, tous les hérauts n'étaient pas de parfaits érudits du blason et la maîtrise de ce savoir était loin d'être leur monopole.

Dans les tournois et joutes, les hérauts annonçaient le chevalier en énonçant son blason, c’est-à-dire la description des figures couvrant son bouclier, avant de nommer son titulaire. Cette pratique est à l'origine de la langue héraldique, à l'origine naturelle et comprise de tout le public. C'est cette pratique qui fonde et stabilise l'héraldique.

D'une part, elle fixe le lien entre un titulaire et ses armes, ce qui impose comme première règle de ne pas prendre les armes portées par autrui.

D'autre part, elle implique l'équivalence héraldique entre la représentation graphique (armoriée) et la description orale (le blason), qui n'en retient que les éléments significatifs.

À partir du XIVe siècle, les hérauts sont devenus les spécialistes de l'héraldique, ou « science des armoiries et blasons ». Ils en codifient la composition et la description, en formulant notamment les règles du blason, voyagent et établissent des armoriaux pour peindre et retenir celles qu'ils rencontrent.

Le juge d'armes est celui qui est établi pour juger des armoiries et des titres de noblesse.

L'héraldique dans la société


Représenter une identité

Les figures peintes sur l'écu, stabilisées et énoncées par des hérauts, donnent naissance à l'héraldique. L'héraldique est essentiellement la science des hérauts, et son origine ne peut se comprendre qu'à travers leur rôle. 

Les Blasons et illustrations à la base de l’héraldisme existent aussi dans plusieurs autres cultures, très présents dans de grandes civilisations comme la Chine de l’antiquité, mais aussi en Afrique, en Australie, et un peu partout dans le monde, bien souvent afin de signifier un groupe, une famille ou encore afin de désigner un individus pour ses qualités et fonctions. 

Le premier élément à avoir été armorié, dans un but militaire, a donc été l'écu du chevalier. Puis ces éléments ont été repris sur tout son équipement, pour permettre de reconnaître le titulaire (sur la cotte d'armes) mais aussi le représenter (bannière) ou marquer sa propriété (caparaçons, housse ou flanchières des chevaux…).

Ce lien entre les armes et leur titulaire a ensuite été repris dans la composition des sceaux. Les armoiries sont ainsi devenues l'image de la personnalité juridique. La pratique des sceaux armoriés a étendu l'usage des armoiries à toutes les entités capables d'avoir un sceau. Cette pratique est encore vivante dans l'usage de chevalières armoriées, qui sont en principe destinées à servir de sceaux (c'est pourquoi elles sont gravées en creux).

Développement historique en Europe...

D'abord utilisées par les chefs de guerre qui les figurent sur leur bouclier à la fin du XIe siècle, l'usage des armoiries s'étend progressivement aux chevaliers, puis à la noblesse adoubée ou non (XIIIe siècle). À travers l'identification de la personne par les armoiries, notamment dans le sceau, l'usage s'étend aux femmes et prélats nobles (fin XIIe siècle), et des prélats aux bourgeois, aux artisans et échevins, chapitres et corporations (début XIIIe siècle), communautés urbaines (début XIIIe siècle), communautés ecclésiastiques et ordres religieux, seigneuries, fiefs, provinces, universités et administrations civiles. 

Les armoiries ne sont en rien un privilège de la noblesse, dans certaines régions comme la Normandie, les paysans en font usage.

Par ailleurs, dès le XIVe siècle, des armoiries sont attribuées à des personnages ayant existé avant la création de l'héraldique voire à des personnages mythiques ou mythologiques. Ces armoiries imaginaires relèvent de l'"Héraldique imaginaire".

Devenues un signe d'identité sociale, les armes deviennent héréditaires, et désignent des maisons, c’est-à-dire des familles et des liens de parenté (XIVe siècle), puis plus généralement des liens sociaux, ce qui amène progressivement à les composer de plus en plus.

Jusqu'au XVIe siècle, les figures employées sont principalement des figures animales, en nombre assez restreint (une quinzaine d'usage courant), ainsi que quelques meubles inanimés, souvent abstraits, et, surtout, des figures géométriques. Par la suite, le répertoire s'élargit aux objets, armes, parties du corps, bâtiments…

Étude des objets armoriés

Armorier un objet y ajoute un élément décoratif, et affirme un lien avec le titulaire, lisible y compris par ceux qui ne savaient pas lire. Les armoiries se rencontrent ainsi sur tous les témoignages du passé : documents, livres (sur la couverture ou à l'intérieur : l'ex-libris), tapisseries, monuments, plaques de cheminées, meubles, bijoux, véhicules… 

L'identification des armoiries, quand elles ne sont pas fantaisistes, permet de replacer leur support dans le temps et dans l'espace social, et d'en retracer en partie l'histoire ou la provenance géographique. L'identification du titulaire est facilitée par les ornements extérieurs, notamment les ordres de chevalerie représentés. Elle peut conduire à une très grande précision, de l'ordre de l'année, lorsque celui-ci a fréquemment modifié la composition de ses armes, et la conjonction d'armes sur un même support peut conduire à des conclusions encore plus précises.

Noblesse et armes

La composition d'un blason représente graphiquement la situation d'un titulaire par rapport à un certain ordre social, entre le XIIe siècle et le XIXe siècle. L'étude du blason suppose donc une certaine connaissance de la société et de son organisation en noblesse, rangs, ordres, coutumes…

Cependant, avoir des armoiries n'a jamais historiquement été l'apanage d'une classe noble.

Les armes ne sont pas nobles par nature, elles ne sont au départ que l'enseigne de leur titulaire. C'est à ce titulaire qu'il appartient de s'"ennoblir", c’est-à-dire de manifester sa noblesse par ses actes, en attirant gloire et honneur sur ses armes. La reconnaissance sociale officielle de ce caractère noble, ou "anoblissement", ne vient que reconnaître une noblesse qui a été acquise préalablement.

Le noble est essentiellement le « chef » de quelque chose, ce dont il tire gloire et honneur. Le moyen d'y accéder peut être par les armes, par violence ou usurpation, par héritage de possessions, en étant titulaire d'une charge… Dans cette logique, l'exercice efficace et durable du pouvoir est sa propre légitimation, et seul le résultat à long terme compte. Une personne est reconnue comme noble quand elle occupe durablement une situation de commandement ou de responsabilité, au point d'y identifier sa personne sociale. Les armes représentent à la fois la personne, son pouvoir actuel, et la gloire accumulée depuis parfois des générations.

Le succès attire le succès, y compris sur les membres de sa famille, et une maison "noble" tend ainsi à le rester. La direction d'une terre ou d'un territoire est généralement héréditaire, et il n'est pas toujours possible de distinguer les armes d'une terre de celles de la maison qui l'a dirigée. En revanche, une charge est généralement personnelle, si bien qu'elle est plus volontiers figurée dans les ornements extérieurs que dans les armes proprement dites.

Les armes les plus fameuses sont le signe d'une appartenance collective à laquelle on doit ou souhaite se rattacher. Le rattachement se traduit en reprenant les armes intégralement (cas du chef de lignée), avec une brisure, ou dans une composition. Ce rattachement est obtenu de droit, titre, héritage et lignée, par acquisition (fief possédé), ou par privilège acquis ou concédé. C'est un honneur de porter des armes fameuses, et cet honneur oblige en principe son titulaire à contribuer à la gloire de ces armes. C'est ce que traduit l'expression "Noblesse oblige" : le port d'armes noble signifie simplement que l'on est de noble lignée, mais ne dit rien de plus sur son caractère propre.

Le "Titulaire"

Le titulaire d'un blason est la "personne" que désigne ce blason. Les armes appartiennent à un certain titulaire, dont les attributs sont représentés par les ornements extérieurs. C'est l'ensemble de cette relation que représentent les armoiries. Le titulaire peut être de toute nature (individu, famille, collectivité, institution…)

La composition d'armes nouvelles traduit ce que le titulaire met en avant par rapport à un tissu de liens et de droits sociaux, symbolique primitive, mais aussi appartenance à une lignée (par les armes de sa famille), affirmation de sa généalogie (par composition des armes de ses parents, grands parents), mariage (par composition des armes du conjoint), fiefs sur lesquels on a des droits réels ou supposés, actuels ou passés… Les armes de villes ou d'institutions composent de même celles de leur fondateur ou seigneur.

Les armes proprement dites sont généralement invariables, mais les ornements extérieurs dépendent généralement du titulaire, ses titres, dignités et qualités, sa fonction ou sa condition sociale.

Droit des armes

Juridiquement, les armes sont l'équivalent dessiné d'un nom propre, nom de famille ou nom de lieu, et sont accessoires à ce nom. Les armes sont une propriété régulière, transmissible héréditairement, et susceptible d'être acquise ou conférée. Le droit associé aux armoiries s'apparente à celui des marques, et c'est probablement le premier sujet sur lequel un droit international coutumier ait été élaboré.

Le droit des armes varie selon les pays et selon les époques. Un élément est cependant constant, nul ne peut se doter d'armes déjà portées par autrui. Le principal problème du droit des armes est donc, pour un titulaire, de prouver l'antériorité dans l'usage d'un blason qu'il revendique. 

Cette preuve est généralement apportée au moyen d'actes officiels, qui enregistrent un blason donné, ou accordent une modification dans des armes préexistantes.

Certains pays qui ont conservé une noblesse (Royaume-Uni notamment) lui imposent cependant une réglementation spécifique, voire un tribunal dédié (Écosse). Cependant, le "droit" au port de telles ou telles armes est très largement une affaire de coutume.

Création et évolution des "Blasons"

La création des blasons bien que laissée à l'initiative de leurs futurs possesseurs, s'est dotée, dès le début, de règles plus ou moins strictes, visant à rendre l'identification efficace : lecture facile par l'emploi de couleurs franches tranchant les unes sur les autres, motifs de grande taille aux contours simplifiés facilement lisibles, et surtout unicité des armoiries (souvent non-respectée — plus par ignorance que par volonté de plagiat).

Cette volonté identitaire se traduit aussi par l'utilisation de symboles, rappels de faits marquants ou traductions de traits caractéristiques liés au possesseur (armes par allusion), ou même figuration du patronyme, n'hésitant pas devant l'à-peu-près, voire le jeu de mots (armes parlantes). 

Mais le blason n'est pas figé et il peut évoluer en fonction :

d'une alliance, où les blasons des alliés se réunissent pour n'en former plus qu'un, réunion codifiée par des règles traduisant le type d'union ;

d'un héritage, qui impose parfois à l'héritier une modification (une brisure) du blason initial en fonction du degré de parenté ;

d'une distinction honorifique accordée par un suzerain, qui donne à un vassal le droit d'ajouter sur son blason un élément distinctif du sien (une augmentation) ;

d'une distinction ou modification pour distinguer un nouveau blason de celui dont il a été dérivé (une brisure).

Il peut même disparaître et être remplacé par un blason de substitution, quand le blason original a été "déshonoré" pour une action peu reluisante de son possesseur ou d'un ancêtre du possesseur !

Les Règles du Blason

Les règles du blason proprement dit, c’est-à-dire celles qui portent sur la composition des armes, sont implicites et coutumières. Le caractère bien ou mal constitué d'un blason s'évalue en fonction d'un «"esprit héraldique". L'évaluation s'appuie sur avis d'autorités éminentes, qui énoncent leurs leçons dans des traités d'héraldique faisant référence. Ces règles sont donc nuancées et mouvantes comme celles du bon ton ; quand les avis autorisés sont unanimes, le jugement peut être tranché, il doit être nuancé sinon, pour les cas plus marginaux.

De fait on ne connaît qu'une seule règle qui puisse s'énoncer en termes indiscutables, c’est-à-dire pour laquelle on peut déterminer avec certitude si elle est respectée ou non : « Pas de métal sur métal, ni émail sur émail », dite règle de contrariété des couleurs.

On énonce parfois deux autres règles :

Le blason doit être régulier, complet et bref ; cette règle signifie essentiellement qu'il doit être possible de blasonner suivant les règles usuelles (régulier), et que le blason doit être spécifique. Il n'est pas possible de retenir pour blason « d'azur à trois meubles d'or » sans spécifier les meubles, par exemple. Le blason devrait être bref, c’est-à-dire peu chargé. Cette règle a largement perdu de sa pertinence par la prolifération des blasons composés, des brisures et autres augmentations.

Les meubles apparaissant en nombre sont identiques, donc, entre autres, de même couleur ou de même logique de coloration. Cette règle est loin d'être absolue et on connaît de nombreux cas de groupes non homogènes.

Signification des armes

Les armes sont indéniablement signifiantes et des systèmes précis et complets d'interprétation symbolique des armes ont été définis, mais de tels systèmes s'apparentent à une "mancie" (art divinatoire). Même si des armes ont été délibérément composées en référence à un tel système, ce n'est pas le cas général, et l'identification précise du système utilisé est de toute manière hasardeuse.

La valeur que peut prendre une figure dans un système particulier est propre à ce système et ne peut pas être généralisée. Si beaucoup de croisés ont porté une croix, si le besant charge souvent le blason d'un ancien croisé, on ne peut pas dire pour autant que toutes les croix héraldiques sont issues des croisades, ni même que la pièce honorable en forme de croix ait toujours une raison d'être religieuse, elle peut n'être que purement géométrique ou résulter d'une composition.

Même si l'on peut poser comme principe qu'il y a toujours une signification à chaque choix, de nombreuses armes n'ont pas de significations connues et celles données pour les autres ne sont le plus souvent que des hypothèses. L'interprétation de la symbolique se doit d'être prudente dans l'identification du contexte, le titulaire des armes ne les a pas toujours composées librement et une signification peut avoir été donnée après coup à des armes préexistantes.

Armes composées

Les "écus composés" peuvent correspondre à des mariages, à des pièces concédées par la grâce du Roi, ou à des acquisitions qui entraînent des droits sur les armes correspondantes, lesquels droits se traduisent graphiquement par la composition des armoiries.

La plus simple des compositions consiste à accoler deux écus, en maintenant la forme individuelle.

Au Moyen Âge, on avait l'habitude d'accoler les blasons des conjoints, le mari posé à dextre (la place d'honneur…) et la femme à sénestre. Puis cette mode évolua, et l'on se mit plutôt à écarteler les blasons avec les armes des épouses : du premier et du quatrième aux armes du conjoint, du second et du troisième à celles de l'épouse.

Aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle, des armes surcomposées cherchèrent, très artificiellement, à représenter systématiquement toutes les alliances et ascendances d'un personnage, par ses quartiers de noblesse, au point d'en devenir globalement illisibles. Dans ces excès, qui singent les grandes armes, la composition s'oppose à la première règle du blason, qui impose aux armes d'être simples. Pour une bonne lisibilité, les armes personnelles doivent rester simples.

COURS ET ATELIER EN HÉRALDIQUE (en 6 volets)

1- Définition de l'héraldique
2- Les règles de l'héraldique. Le vocabulaire de base utilisé en héraldique
3- La lecture des blasons. Comment blasonner ?
4- Recherches généalogiques et historiques
5- Créer son propre blason : Armoiries de Familles et autres
6- Créer son propre blason : Réalisation Supervisée

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